Il faut que tu enlèves ta casquette

Comment réagissez-vous face à cette injonction et quelle dynamique dramatique se joue-t-elle ?

Quand une personne reproche à une autre de ne pas respecter le règlement. Voici le résultat de notre groupe de pratique.

Le dialogue original

Une éducatrice réagit ainsi à un adolescent qui porte une casquette alors que c’est « interdit » par le règlement interne de l’établissement pour les résidents et les éducateurs.

Elle lui dit « il faut que tu enlèves ta casquette ». Ce à quoi le jeune homme répond « j’en ai besoin« .

La dynamique dramatique

Nous sommes dans un triangle dramatique où un « sauveur » fait appel à sa bonne conscience pour « persécuter » un persécuteur supposé d’une victime ici absente, l’institution ou la responsable de l’institution.

Souvent, le sauveur va avoir la pensée « tu n’as pas le droit de » et risque de se mettre en colère. Face à une telle injonction, les réactions les plus courantes sont la soumission ou la rébellion. Dans l’un ou l’autre de ces cas, l’on ne fait que repousser la solution. Celle-ci consiste à se poser la question :

« Qu’est-ce qui me donnerait envie de le faire ? »

Alors, vous passez d’une motivation extrinsèque à une motivation intrinsèque.

Les besoins des protagonistes

Explorons les besoins de chacun en commençant par ceux du sauveur.

  • Au début, l’éducatrice pensait vouloir contribuer au bien-être du capé. Puis, en approfondissant à partir de la déclaration « respecter les règles de l’établissement », nous avons mis à jour un besoin de « cohérence » favorisant l’équilibre, la connexion et le respect mutuel entre les résidents et les éducateurs.
  • Les besoins du résident étaient un besoin de sécurité et d’intimité.

Ainsi, nous avons le schéma suivant :

Un dialogue bienveillant entre l’éducatrice et l’adolescent

Voilà notre échange dans le jeu de rôle.

  • L’éducatrice : tu m’énerves avec ta casquette. J’aimerais voir ton visage.
  • L’adolescent : tu as envie de respecter le règlement ?
  • L’éducatrice : non, de contribuer à ton bien-être et d’être en connexion avec toi. Je me fous du règlement.
  • L’adolescent : as-tu besoin, avec le règlement, d’avoir une certaine cohérence dans l’établissement ?
  • L’éducatrice : complètement… et de respect mutuel. De « fair play »

Maintenant que l’adolescent a trouvé le besoin de cohérence de l’éducatrice, il peut aller dans la stratégie couvrant le besoin de cohérence.

  • L’adolescent : que peux-tu faire pour remplir ce besoin de cohérence ?
  • L’éducatrice : redéfinir à des accords qui répondent aux besoins de chacun. Il est aussi interdit de se maquiller ou d’avoir un portable. En discuter avec les membres de l’équipe institutionnelle.

Après avoir exploré le besoin et la stratégie de l’éducatrice, allons dans le besoin de l’adolescent qui se cache sous sa casquette.

  • L’adolescent : j’aime bien avoir ma casquette. Je me sens en sécurité, protégé du regard des autres, de soigner mon look, d’être moi, de préserver mon intimité.
  • L’éducatrice (ce gamin a des problèmes scolaires mais il n’est pas déficient. Il garde sa personne grâce à ça.) Qu’est-ce que je peux faire pour que tu te sentes en sécurité, avec ou sans casquette ?
  • L’adolescent : que l’on échange pour que je puisse compter sur ta bienveillance, que tu me rassures sur le fait que je puisse me sentir en sécurité, que je ne serais pas jugé…

Dialogue avec la cheffe

Nous avons aussi imaginé un dialogue entre l’éducatrice et sa cheffe pour revisiter le règlement.

  • L’éducatrice : P aime bien garder sa casquette pour se sentir en sécurité. J’aimerais modifier éventuellement le règlement pour trouver une solution qui lui convienne aussi.
  • La cheffe : tu as une suggestion ? Tu veux qu’il la garde ? Et que tous les autres mettent aussi leur casquette. C’est une question de respect mutuel, de politesse.
  • L’éducatrice : aujourd’hui, c’est tout le temps. Ce pourrait être demandé quand ils sont en groupe de référence (avec les éducateurs et d’autres jeunes) par respect.
  • La cheffe : pourquoi pas ? Et s’il se sent en insécurité, il peut sortir pour la remettre.

Les pistes de solution

Si nous restons dans le couple (éducateur, résident) nous ne pouvons trouver de solution car celle-ci dépend de l’institution et doit être trouvé en « montant » d’un cran, en proposant une « règle » différente qui satisfasse simultanément les besoins de cohérence de l’éducateur et de sécurité du résident.

C’est un point soulevé par Thomas Gordon : quelquefois, il est nécessaire de changer l’environnement, ici la règle. C’est ainsi que des interventions en CNV dans des institutions peuvent remettre en cause les « règles » car il n’en existe pas en CNV.

Une proposition envisagée fut que les personnes enlèvent leur couvre chef en réunion avec des éducateurs et que s’ils ne sentaient pas en sécurité, ils puissent en parler ou sortir de la réunion. Une telle proposition de changement d’organisation s’apparente à la gouvernance de l’établissement, comment sont prises les décisions ? Avec ou sans les résidents ?

En conclusion

Les règles sont violentes quand elles ne peuvent pas être discutées et amendées. C’est pourquoi il est important de « monter d’un cran » pour pouvoir les modifier. Dans certains cas, il peut être opportun d’avoir des délégués avec qui discuter, comme en sociocratie.

Voici la réaction de l’éducatrice :

J’ai pu parler de cette situation avec le jeune qui est capable à présent de demander à être accompagné dans ces démarches. Il peut dès à présent nous dire quand il a besoin de nous.

Cela fut plus compliqué avec la chef de service qui ne comprend pas qu’une casquette peut être un outil sécurisant pour le jeune. J’ai pris la décision de laisser sortir P seul prétextant une course qu’il doit faire pour l’institution et cela met OK tout le monde. J’ai, en quelque sorte, tenu compte de la CNV et pris un chemin qui respecte le besoin du jeune.

Pour aller plus loin

Vous pouvez lire Parents efficaces : Une autre écoute de l’enfant de Thomas Gordon. Dans un autre encore plus facile est Parents efficaces au quotidien : Tome 2, il donne de nombreux exemples vécus de personnes qui ont assisté à ses séminaires et qui réagissent en critiquant sa méthode. Vous pouvez le lire sans avoir lu le premier tome.

« Punished by rewards » d’Alfi Kohn qui montre que les compliments ont les mêmes inconvénients que les critiques. « Le bâton est dans la carotte ».

Mon livre sur la communication bienveillante où je détaille le fonctionnement des groupes bienveillants.

Si vous avez des remarques, laissez-moi un commentaire.

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